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→ Publié le 27 octobre 2023
→ Par Maître Florian Rugo - Avocat à Nice en Droit immobilier
Un copropriétaire peut-il agir à l’encontre d’un autre copropriétaire sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ?
Oui.
Aux termes de l’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,
« I. - Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».
Le règlement de copropriété prévoit, notamment, les conditions de jouissance des parties communes et privatives suivant l’article 8 de ladite loi.
En raison de la proximité de leurs lots, un copropriétaire peut être condamné à indemniser le copropriétaire voisin dans le même immeuble en réparation des troubles anormaux de voisinage subis. (Cass civ 3ème, 14 juin 2018 n°17-14191, en ce sens.)
Nota : Un « voisin » (au sens de la jurisprudence) peut être un particulier, ou une société, tel qu’un promoteur immobilier qui a fait édifier une construction à proximité immédiate de votre domicile.
Cela étant précisé, comment obtenir la condamnation de mon voisin à faire cesser les troubles anormaux de voisinage dont je suis victime et à être indemnisé du préjudice subi ?
Issue de la jurisprudence, la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage est une responsabilité dite « objective »,
ce qui signifie que vous n’avez pas à rapporter la preuve d’une faute commise par votre voisin
(Civ. 3ème, 13 novembre 1986, Bull. Civ. III, n°172).
Au contraire, vous devez démontrer le caractère anormal du trouble de voisinage qu’il vous fait subir et le préjudice en résultant.
Le caractère anormal du trouble est caractérisé par le dépassement d’un certain seuil de tolérance normalement acceptable entre voisins.
Il est apprécié de manière souveraine, au cas par cas, par les juges du fond, au regard notamment de l’intensité, de la fréquence, de la durée du trouble et de l’environnement.
Les troubles de voisinage peuvent se traduire par toutes dégradations des conditions de vie, ce qui est le cas par exemple de :
- la réduction d’ensoleillement (hauteur d’une construction cachant les rayons du soleil...)
- la perte de vue (l’édification vous cache une vue agréable depuis votre propriété…)
- la perte d’intimité (votre voisin a une vue en hauteur depuis sa propriété sur la vôtre…)
- les nuisances olfactives
- les troubles sonores etc.
En application de l’article 1353 du Code civil et de l’article 9 du Code de procédure civile, c’est au demandeur de rapporter la preuve du bien-fondé de ses demandes en justice.
Dès lors, avant tout procès, vous devez impérativement réunir les preuves des troubles subis.
A cet égard, afin de satisfaire à cette exigence probatoire, le recours à un huissier de justice pour dresser un procès-verbal de constat est reconnu pour son efficacité.
En effet, en se rendant sur les lieux, il observerait notamment, de manière neutre et incontestable, les nuisances de voisinage que vous lui demanderez de relever.
L’intérêt de recourir à un huissier de justice pour dresser un constat, réside dans la force probante (la preuve) de cet acte qui est reconnue par les tribunaux.
Les vidéos et photographies que vous pourriez prendre avec votre téléphone portable peuvent ne pas être suffisants devant une juridiction.
En complément de ces éléments de preuve, vous pouvez solliciter par exemple un rapport d’expertise amiable ou judiciaire (le cas échéant), des attestations...
Oui.
Selon une jurisprudence constante, il est indifférent qu'une construction respecte les règles d'urbanisme et bénéficie d'un permis de conduire.
Dès lors qu'une construction fait subir des troubles anormaux de voisinage, son auteur peut engager sa responsabilité.
Encore récemment, la Cour de cassation a décidé que la démolition d'une construction
réalisée de manière conforme à un permis de construire et dans
le respect des règles d'urbanisme peut être prononcée étant donné
qu'elle génère un trouble anormal de voisinage (Civ 3ème, 7 décembre 2017 n°16-13309).
L'action pour trouble anormal de voisinage constitue une action en responsabilité extra-contractuelle.
En application de l'article 2224 du Code civil, elle est donc soumise à une prescription de 5 ans.
Le délai de prescription de 5 ans de l'action en troubles de voisinage court à compter de la date de découverte du trouble ou à la date à laquelle le demandeur
aurait dû constater l'existence de ce trouble (Civ 2ème, 7 mars 2019 n°18-10074).
L’important est de constituer un dossier de preuves solides de l’anormalité du trouble subi.
De cette manière, vous serez à même de faire valoir efficacement vos droits en justice.
« Si vis pacem, para bellum » (« Si tu veux la paix, prépare la guerre »).